samedi 27 juin 2009

Les planches courbes, poème en prose de Yves Bonnefoy

Ce poème écrit en 1998 donne son nom au recueil éponyme paru en 2001 chez Gallimard. Ces quatre pages sont au programme des lycées, et ont donc été abondamment commentées.
Non, vous n'aurez pas l'intégrale du texte en ligne mais franchement on peut trouver le livre très facilement et pour pas cher...
Mais oui, voici ce qu'il me semble raconter :
Un géant est debout dans une barque au bord d'un fleuve la nuit. Un enfant apparaît porteur d'une pièce de cuivre, l'enfant veut traverser la rivière. Le géant lui demande son nom. L'enfant ne sait pas répondre. Il ne sait pas non plus ce qu'est un père ou une mère. Le géant vient le chercher sur la rive et le porte dans sa barque. Il pousse la barque au large. L'enfant demande au géant d'être son père. Le géant refuse et la barque commence à s'enfoncer dans l'eau, le géant toujours tenant l'enfant se met à nager "dans un espace sans fin", ce que j'interprète comme la mort ou en tout cas un autre monde...
En ce qui concerne le récit, le lien avec notre sujet (St Christophe) est clair même si certains enchaînements sont inversés : le passeur questionne l'enfant avant de l'embarquer, le passeur est un géant, le passeur porte l'enfant sur ses épaules, l'eau monte et met leur vie en jeu...
Mais après relecture de "La légende de Saint Julien l'hospitalier" de Flaubert, et de St Julien le pauvre de Jacques de Voragine, la parenté avec Julien devient évidente, elle aussi, notamment en ce qui concerne la barque et la boue. Si c'est une personne adulte que Julien aide, c'est aussi une personne qui a toutes les apparences de la faiblesse. Et le voyage se termine également par ce qui me semble une mort extatique.
La présence de Charon, le passeur des morts, est sous-jacente dans la pièce de cuivre que l'enfant a apporté pour payer son voyage.
Dans les autres poèmes du recueil, dont les sujets sont, à première vue, différents, les micros motifs que l'ont peut rattacher à ces deux légendes hagiographiques et au conte de Flaubert sont extrêmement nombreux : le fleuve, la boue, la barque, le creux de la barque, la courbe des planches, le rivage, la lampe qui guide, la pauvreté du passeur, la nuit, les corps qui se touchent, il y a même un lépreux...
Et aussi cette belle image dans "Le leurre des mots" :
A la poupe est le nautonier plus grand que le monde...
L'auteur d'un blog (Noël Pecout ?) m'a envoyé l'adresse d'un article sur ce poème . L'intitulé de l'article est assez joli : "Fleuves de boue, fleuve d'étoiles, barque et vieux haillons. Rêverie sur un sujet légendaire, souvent traité par la peinture et la sculpture, la légende de Saint Christophe..."
Un autre article peut aussi se lire en ligne mais si vous cherchez Yves Bonnefoy ou "Les planches courbes", sur un moteur de recherche vous trouverez peut-être même la vidéo où le poète parle de son travail (je n'ai pas réussi à la visualiser)
Yves Bonnefoy est un auteur bien vivant, que je remercie d'avoir remis au jour (inventé) ces trésors légendaires qui, décidément collent au corps et à la littérature.